lecture, 10', 2025 ©vidéo par Lisa Laurent
J’ai écrit un texte pour ce vernissage, parce que j’ai décidé qu’écrire était ma nouvelle pratique artistique. (J’ai aussi décidé que cette année je serai une artiste pop art mais j’y reviendrai plus tard). Le texte que j’ai écrit pour mon diplôme en Juin dernier, qui critiquait l’institution et les vernissage a très bien marché. Il a tellement bien marché que j’ai été invité par les institutions et j’ai eu plein de vernissages. J’en conclut que, vous et moi, nous avons une relation toxique. Plus je chie sur l’art contemporain plus vous m’aimez. Suis moi je te fuis, fuis moi je te suce.
Alors j’ai écrit un nouveau texte.
Pour tous vous choquer, un texte subversif, un peu fashion, déglingué, pour vous faire plaisir, pour me faire réinviter, pour vous montrer mon cul, pour être connue.
Le texte dit :
Mon cul
IS BIGGER THAN YOU’RE CAREER
IS SMALLER THAN YOUR EGO
Tout, tout est KO
Abusé, art Basel, baise moi, baise moart BASEL !
On se regarde les uns, les unes, les autres,
Pendant les vernissages,
J’adore les vernissages
On regarde qui sera les plus cools et les plus cools
Ça veut dire être les plus sages
On se regarde les uns les unes les autres,
En attendant la fin
mais peut être pour ça
Il faudra regarder autour de soi,
Mais pas que les autres cools et les gens bien basé·es,
Pas les blasé·es, les blasés de baise moi à art Basel
Je vis dans mon temps, je suis has been,
Je critique mais je clique, je suis une pute à clique,
Je critique les vernissages, j’adore les vernissages,
Suis moi je te fuis, fuis moi je te suce
Regarde moi bien,
Regarde mon cul :
IT IS STILL BIGGER THAN YOU’RE CAREER
IT IS STILL SMALLER THAN YOU EGO
Comme le dit Mylène, Mylène je t’aime :
Tout est k-o,
Attendre ici la fin,
Entres deux coupes de champagne,
Mais rien y’a n’a de sens,
Entres deux petits fours,
Je cherche une âme qui pourra m’aider,
Peut-être un·e galleriste?
je suis une grosse galère
Je voulais les baiser mais à la fin
Je leur fais des bisous tout partout,
Je suis la bouffone bien baisée d’art blasé
…
Comme tout ce que je fais, je ne sais pas quoi en penser. C’est pourquoi j’ai décidé que je ne lirai pas ce texte là aujourd’hui.
Je suis à une foire, alors je me suis habillée en bête de foire.
Je porte des cerises aux oreilles, un collant blanc, des bottes chics, et un t-shirt à slogan provocateur. Fuck the poems. Je suis je veux j’ai l’air désinvolte. Comme Alexandria Ocasio-Cortez avec sa robe « tax the rich » au met gala 2021 (le rendez vous des riches), je pense être la louve dans la bergerie.
En réalité, je suis une chienne bien apprivoisée. Je me rassure en me disant que c’est une chienne qui a élevé Rome, que c’est une chienne qui a voulu tuer Andy Wharol.
Mais avant d’être une chienne, j’ai été autre chose.
En 2017, il m’appelle « pute hystérique ». Quelques années plus tard, je lui dis via Messenger qu’il a été chiant la veille à une soirée. Il m’écrit alors « toi t’es vachement chiante à dire que j’étais chiant hier, enfin je m’en fou un peu d’avoir été chiant, je m’en branle complètement, mais ça fait vachement meuf trop chiante de dire ça, ça fait même meuf hyper relou, parce que je t’ai genre même pas parlé ». Dans ma tête en le lisant, j’entend ce commentaire posté sur Facebook dans les années 2010 par un incel, devenu un meme sur internet :
Puceau moi ? Sérieusement ? hahahahahah. On me l’avait pas sortie celle la, depuis longtemps ! Demande à mes potes si je suis puceau, tu vas voir les réponses que tu vas te prendre ! Rien que la semaine passée j ai niqué, donc chut.
Ferme la puceau de merde, car toi tu m’as tout tout l'air d un bon puceau de merde ! Car souvent vous êtes frustrés de ne pas BAISER ! C'est agréable de se faire un missionnaire ou un amazone avec une meuf, hein ?
Tu peux pas répondre car tu ne sais pas ce que c’est, ou alors tu le sais, mais tu as du taper dans ta barre de recherche « missionnaire sexe » ou « amazone sexe » pour comprendre ce que c’était, MDR ! C'est grave, quoi qu’il en soit....
pour revenir a moi, je pense que je suis le mec le moins puceau de ma bande de 11 meilleurs amis. Pas parce que j ai eu le plus de rapport intime, mais parce que j'ai eu les plus jolie femme que mes amis.
C'est pas moi qui le dit, c'est eux qui commente sous mes photos insta « trop belle la fille avec qui tu as couché hier en boite notamment! » donc après si tu veux
J’aurai voulu être aussi chiante, j’aurai voulu être cette meuf hyper relou, la pute hystérique dont il parlait. Au lieu de ça je réponds : « bon laisse tomber ». Je pense souvent à ces meufs « chiantes » que j’aimerai être. Ces meufs dont je parle entre autres, c’est les micros stars artistes écrivaines activistes féministes parisiennes sur instagram. Je rêve qu’elles me donnent l’heure. Quand j’ai publié mon dernier texte (celui de mon diplôme), j’espérais secrètement attirer leur attention.
Elles sont toujours toutes ensembles, stylés, hardcore, smart, elles font des résidences ensemble, des vernissages ensemble, des soirées ensemble, elles se repartagent, sont toujours dans les story des unes des autres. Pour la plupart, ce sont des meufs dont le travail est « choc », dont l’écriture est libre, qui n’ont pas peur de s'afficher librement sur les réseaux. Je les adore, je suis fan d’elle, j’ai envie qu’elles me follow back.
Des fois je réponds à leur story, j'essaye d’être drôle. Elles écrivent bien, font des films, j’ai envie d’être elles, mais je ne veux pas ne pas être moi. Elles n’ont pas peur de dire les termes, de se mettre les autres à dos, elles sont cools, drôles, elles sont spontanées.
J’ai plusieurs ami·es en commun avec elles. Je les ai croisées plusieurs fois en soirées, on s’est plusieurs fois dit bonjour, je savais très bien qui elles étaient. L’une d’elle me demande mon nom à chaque fois. Une autre, j’ai appris qu’on détestait le même artiste. Je me suis sentie proche d’elle. Elle ne m’a jamais follow back. Je suis une groupie, une envieuse, une copieuse, une peureuse.
Je pense souvent à ces personnes en roue libre. Je pense à Zeltia qui a cité les anges de la télé réalité dans une de ses performances, je pense à PJ Horny qui a crié le 7 janvier dans les rues que Jean Marie Le Pen était mort comme un crieur au moyen âge, je pense à Oélia qui nous a fait des revues de ses dates au japon pendant un mois sur instagram, je pense à Marion qui veut faire un film sur Brice de Nice, je pense à Ninon qui appelle ses nouveaux seins refaits « les twins », je pense à Perle qui se balade dans le métro avec ses sextoys à la main, je pense à Erika qui s’est armé de sa joie, je pense à Reba, à Agathe, à Mylène, à Angela, à Audrey, à Louise, à Oumou, à Donna, à Alex, à Iman, à Baptiste, à Nelson, à Pauline, à Lisa, à Giulia, à Stella, à Servane, à Solenn, à Sylvia, à Louisa, à Houria, à Delphine, à Xheneta, à Clémence, à Manon, à Emi, à Melissa qui m’a dit une fois « il n’y a pas de règles, tous les coups sont permis ».
Tous les coups sont permis, alors je décide de ne pas cracher dans la soupe. Je tente tous les concours, les prix, les résidences. Moi, je dis à tout le monde « que c’est moi qui les baise parce que je prend leurs thunes, faut au moins un peu profiter du système quand même ».
Pour me rassurer, pour me dire que je suis pas si pire, je me convainc moi-même que si j’ai ces bourses, j’en ferais profité les autres et je me ferais des énormes courses. Mon rêve finalement ! (Et que biensur, je me mettrais à faire du pop art.)
Cela dit, un de mes rêves c’est déjà bien réalisé : un curatrice cool à Paris m’a repéré. Nous sommes au nouvel an 2024, dans un lieu autogéré tenu par des potes à Paris. Je suis un peu bourrée mais ça va, j’ai surtout fumé trop de clopes. Une personne vient me voir, petite, cheveux bouclés châtain, lunettes. Elle me parle très très proche du visage. J’essaye de ne pas reculer trop pour ne pas la vexer. Elle dit « C’est toi la personne qui versé du vin avec un cubis dans la bouche des gens à 8h du matin cet été à Guyenne Festival? » « C’était drôleeeeeeeeee, best moment de mon été » « Au faite, Je m’appelle Lisa, je suis curatrice, mais je vais démissionnée de ma gallérie dans 2 jours, j’en ai ras le bol » « Mais du coup comme j’avais trouvé ça trop drôle je t’ai cherché sur insta et j’ai ADORE ton texte » «faut qu’on se voit, je t’écris un message, après demain t’es dispo? » « envoie moi ton portfolio ma belle » « désolé je suis un peu bourrée, je suis pas très pro ».
Finalement, elle m’écrit une semaine après « désolé j’étais busy, t’es toujours à paris ? », je suis déjà rentré à Genève, elle me dit de la contacter quand je reviendrai. Next time !
Next time c’est peut-être ce weekend finalement. Attendre ici la fin, Entres deux coupes de champagne, Mais rien y’a n’a de sens, Entres deux petits fours,
Je cherche une âme qui pourra m’aider, Peut-être un·e galleriste?